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Article de Bernard COHEN-HADAD sur le SEPA paru dans le n° 724 – avril 2017 de www.lajauneetlarouge.com, revue mensuelle de l’association des anciens élèves et diplômés de l’école Polytechnique.

Du SEPA aux fintechs, le monde des moyens de paiement évolue à grande vitesse. La simplification, l’enrichissement de l’offre des services et la rapidité sont des atouts indéniables pour les entreprises comme pour les PME. Pour en garantir l’accès à tous, sans que les petites structures soient désavantagées, une stratégie de développement des paiements numériques doit être engagée.

Depuis une dizaine d’années, nous vivons chaque jour la révolution permanente des moyens de paiement. Et nous devons cette effervescence, non pas à notre bon plaisir, mais à la mondialisation des échanges.

Est-ce une bonne chose ? Sans aucun doute même si ce mouvement n’est pas domestique. Car il est l’occasion d’un fourmillement d’idées nouvelles, créatrices de valeurs ajoutées et de technologies partagées. Elles poussent à réagir soit par la standardisation soit par la mise en place de solutions sur mesure.

Et la masse d’information que nous recevons sur les moyens de paiement et leur industrie est riche. Elle nous submerge même. Faut-il se plaindre d’un monde qui bouge et qui vise à faire tomber certaines frontières entre les hommes ? Évidemment, non.

Car, dans ce mouvement continuel, les PME sont attentives aux évolutions diverses. Leur volonté : prendre le temps de la décision et privilégier le durable. D’autant qu’au niveau national, européen ou international, les instances qui prennent en considération la dimension PME sont rares. C’est une des faiblesses de nos sociétés.

Les PME satisfaites du SEPA

La migration au SEPA, qui a concerné l’harmonisation des paiements scripturaux (virements et prélèvements) en Europe, ne s’est pas faite sans vagues.

En effet, les principales préoccupations des PME étaient, et sont toujours en France, l’inquiétude face à la situation économique, le carnet de commandes, la complexité administrative (réforme de la pénibilité, prélèvement à la source), la faiblesse des taux de marge, le coût prohibitif du travail et l’absence de flexibilité, la faiblesse du niveau de fonds propres et les problèmes de financement à court terme.

Mais les PME ont joué activement le jeu du passage au SEPA, après avoir mis du temps à intégrer ce processus. Pourquoi ? Tout d’abord, chez nous, l’Europe est montrée, à tort, comme la source de tous nos maux notamment de l’empilement administratif. Ensuite et enfin, la communication bancaire sur SEPA n’a pas été assez pédagogique ni agressive pour les retardataires.

Mais les PME sont satisfaites de la mise en place d’un système rapide, sécurisé et partagé dont elles n’avaient pas fait initialement la demande. Car l’Europe est un tremplin pour leur développement. SEPA intégré a entraîné une baisse des coûts bancaires relatifs à la gestion des flux qui peut aller jusqu’à 35 %.

Dématérialisation et simplification des paiements

On doit aussi retenir que SEPA a été l’occasion de jeter les bases d’un nouveau dialogue entre les banques et les PME, sans demander aux pouvoirs publics de jouer les arbitres. Et pour les PME, SEPA peut être considéré comme la première étape réussie du processus de dématérialisation des paiements et de l’intégration des outils de simplification de gestion du paiement des échanges.

Quant aux anomalies SEPA que l’on présentait comme dantesques, elles ont bien été gérées par les établissements financiers et les PME. Et ce travail en commun a permis aux PME de porter leur attention à ce qui se passe avant, pendant et après le paiement et de mettre en place de nouveaux process non seulement dans la chaîne des paiements mais aussi dans le cadre de la dématérialisation de la relation client.

La relation paiement des TPE et PME à leur banque a changé et la relation des banques aux PME a changé également. Il suffit de pousser la porte des agences bancaires pour s’en rendre compte : disparition des sas, agences dédiées qui prennent les dépôts d’espèces, chèques validés par le client professionnel à l’horodateur.

La transformation numérique, la dématérialisation des échanges et des partenariats sont déjà là. C’est l’axe prioritaire autour duquel va tourner la relation banque PME, demain. C’est pourquoi, il faut accompagner les TPE de moins de 2,5 millions d’euros de chiffres d’affaires. Elles sont à 75 % monobancarisées comme les commerçants.

Ce serait une erreur de les mettre devant un fait accompli de mutations technologiques alors qu’ils sont à la base de millions de relations commerciales atomisées et d’un flux permanent de monnaie encaissée et décaissée.

Les PME sont sur un autre plan, sauf celles des secteurs de la grande distribution où la relation à la monnaie est sensible, industrialisée et finalement normée. C’est pour ces raisons que les nouveaux paysages bancaires doivent intégrer la mise en place d’outils adaptés tels qu’un agenda numérique, un portefeuille sécurisé pour les données TPE-PME et la mise en place de la facturation électronique.

Les fintechs, une opportunité pour les PME

L’arrivée des fintechs dans les paiements s’inscrit dans cette nouvelle voie. Et si certains rêvent d’une bataille avec les banques et de l’inversement des modèles, ils se trompent. Nous sommes très loin d’une telle configuration, compte tenu de la place, du rôle et de la structuration des banques en France.

Le rôle des fintechs dans l’industrie des paiements et dans le financement des PME est une opportunité. C’est de l’air frais pour nos entreprises dans la mesure où elles proposent des produits novateurs et répondent à des niches, c’est-à-dire des demandes spécialisées pour un marché dédié. Reste à mesurer la sécurité, la solidité financière et le coût réel des services proposés (facturés) aux PME.

L’exigence de sécurité est à la genèse de la relation avec les PME de même que la confidentialité des données fournies dans l’intérêt des entreprises et de leurs clients. Et la transparence sur les services, les coûts aux entreprises et les contraintes prudentielles ou réglementaires doivent être les mêmes pour tous les acteurs des paiements.

Permettre aux PME de se doter des nouvelles technologies

Ce qui peut rapprocher les fintechs des PME, ce n’est pas de proposer une pâle copie des offres ou des produits bancaires en low-cost. C’est mettre à leur disposition des services nouveaux et numériques pour accompagner le paiement. Le paiement n’est plus anodin. C’est un acte qui permet de gagner du temps, renforcer, fidéliser, enrichir la relation commerciale.

Il permet aussi d’anticiper la demande du client ou de raccourcir les délais de gestion des commandes récurrentes. Le paiement n’est pas un acte isolé voire accessoire. Il intègre un bouquet de services. Et c’est la force, aujourd’hui, des entreprises de dimensions mondiales telles que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber).

Il faut donc permettre aux PME de se doter, à leur dimension, de ces technologies. Encore faut-il que l’État s’engage clairement dans une politique de développement du numérique et dans une stratégie des paiements sur la longue durée. Pour le numérique, on est encore dans l’attente des soutiens financiers aux entreprises.

En revanche, concernant les paiements, la feuille de route de la stratégie nationale des paiements scripturaux est tracée. Reste à se doter d’une communication opérationnelle avec les PME, car lorsque l’État, les banques et les entreprises font progresser les choses ensemble, il est important de le reconnaître et de bonne politique de le faire savoir.

La carte bancaire est-elle encore à la mode ?

La carte bancaire est désormais ancrée dans nos habitudes et nos mentalités. Elle représente déjà près de la moitié de nos paiements scripturaux. Avec le numérique, la carte bancaire, de débit ou de crédit, va être autre chose qu’un simple instrument de paiement. Elle est le « couteau suisse » de notre vie quotidienne.

Les banques ont développé des outils et des services multiples : prélèvement automatique sur la carte, paiement échelonné, services d’assurances et d’assistance… Reste à développer le paiement CB et sans contact auprès des TPE et PME.

49,2 % des TPE-PME, selon une enquête CPME, sont prêtes à accepter les petits paiements par carte si les frais baissent. Le sans contact pour les montants de moins de 20€ est ludique. Il est facile d’utilisation. Les entreprises dans nos régions doivent travailler à inverser la tendance car on constate encore beaucoup trop d’activités commerciales qui manquent de terminaux, de logiciels.

Il y a la question de l’information réelle, la mise à disposition d’outils adaptés en fonction de la taille des entreprises. Et il n’est pas bon de faire l’impasse sur les vrais coûts. Ne demandons pas à un commerçant de proximité d’accepter un paiement par carte bancaire si les frais afférents à la transaction sont équivalents à sa marge.

D’autant que la baisse des commissions interbancaires de paiement (–18 % en décembre 2015) n’a pas été totalement perçue pour 85,9 % des PME interrogées par la CPME.

Le paiement de demain : par mobile, par virement, par instant payment

Le paiement par smartphone vient dans cette recomposition des moyens de paiement. Il peut s’agir d’un paiement bancaire, un virement simplifié via un mobile ou bien de voir l’opérateur de téléphonie jouer le banquier et facturer la transaction au titulaire de l’abonnement mobile qui achète le bien ou la prestation.

C’est l’une des pistes de paiement importantes pour demain. Ouvrons ce débat à tous les acteurs. Le paiement par mobile n’est pas un gadget, pour autant que l’on sache concilier sécurité des transactions, confidentialité des données et souplesse d’utilisation. Connecté totalement, il peut devenir un atout. Une nouvelle liberté.

Ensuite, nous devons également valoriser le paiement par virement qui est très utilisé dans les relations interentreprises mais qui doit gagner du terrain auprès des consommateurs dans leurs relations avec les entreprises et les collectivités publiques. Enfin, nous devons nous saisir de l’instant payment, ce paiement à dénouement quasi immédiat qui fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.

Arrêtons de dénigrer, pour des raisons d’investissements de modèles financiers, une mesure initiée par l’Euro Retail Payments Board (ERPB). De tout temps, les entreprises se sont émues des dates de valeurs, en encaissement et en débit, pour des raisons de trésorerie et de frais afférents.

L’instant payment, c’est une transaction créditée en vingt secondes au maximum… Les PME doivent enrichir cette nouvelle problématique qu’est le paiement instantané dans le cadre d’une vision européenne des transactions et ne pas se laisser embarquer sur des choix qui vont à rebours de leurs intérêts.

En matière de paiements, la Commission européenne, le Parlement européen et la France ont esquissé, ces dernières années, un nouveau cadre qui est non seulement le reflet de notre évolution technologique, mais une prise de conscience que nos vies bougent, et que l’univers du paiement peut être aussi vecteur de progrès humain : en étant du libre choix de celui qui l’initie.

Pour cette raison, nous devons protéger l’accès de tous, et particulièrement des entreprises de toutes tailles, à la palette des paiements en fonction de leurs priorités et de leurs moyens financiers.

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